L'art témoin de l'épanouissement de la pensée
symbolique prend naissance dans le cadre eurasiatique au paléolithique
supérieur, pendant une rude période glaciaire où le froid sec et les
steppes l'emportent sur la douceur humide et les forêts. Homo sapiens
colonise les terres les moins hostiles où le gibier est abondant. Nomade,
il vit en grotte, en abri-sous-roche ou en plein air et partage l'espace
avec les grands mammifères dont il est tour à tour le chasseur
et le chassé. Au fond des cavernes ou sous la tente il invente l'art,
inspiré le plus souvent par la faune environnante et quelquefois par
la femme. Cette communication picturale, figurative et symbolique, naît
indépendamment dans des populations différentes d'Homo sapiens sapiens.
La répartition géographique des figurations féminines se situe dans
une bande étroite qui traverse l'Europe d'ouest en est, sur une longueur
de plus de 3.000 km. Cette zone correspond à une succession de régions
au relief modéré facilitant les communications : bassin aquitain, bassin
parisien, passage rhénan et bordure méditerranéo-alpine, plateaux d'Allemagne
du Sud, vallée du Danube, plaines méridionales de Pologne et de Russie,
plateaux d'Ukraine, Sibérie. Les hommes et les idées on été en quelque
sorte canalisés par le cadre géographique, entre le relief d'une part,
le glacier nord européen d'autre part.
Entre 33 000 et 26
000 ans avant notre ère...
Dans la majeure partie de l'Europe, depuis l'océan Atlantique
jusqu'au Proche Orient, la culture aurignacienne développe l'art mobilier,
en particulier les éléments de parure, et l'art sur blocs dans lequel
apparaissent les figurations humaines, surtout féminines, stylisées
ou très réalistes.
Entre 26 000 et 19
000 ans avant notre ère.
Les civilisations du gravettien occupent l'espace géographique
de la plus grande dispersion de l'art paléolithique ; en Europe centrale
et orientale elles s'individualisent en Pavlovien et Kostienkien. Leur
unité culturelle se manifeste aussi bien dans l'habitat que dans l'outillage.
Les habitations, sinon permanentes ou du moins de longue durée, sont
regroupées, leur sol est souvent recouvert de matière colorante rouge
ayant pu servir au traitement des peaux, à la parure corporelle, à la
coloration d'objets ou à la décoration de l'habitation. Les grottes
occupées le sont près de l'entrée, dans une zone peu profonde. L'art
pariétal, amorcé dans les millénaires précédents, s'exprime dans toutes
ses techniques : gravure, sculpture et peinture. L'art mobilier, en
plein essor, produit les premiers objets utilitaires en os à décor figuratif
et les premières "Vénus" en ronde-bosse, avec une grande uniformité
de style malgré la diversité géographique. De petite taille, ces statuettes
en ivoire, en os ou en pierre ont des formes souvent stéréotypées :
exagération du volume des seins, du ventre et des hanches, atrophie
de la tête, des bras et des jambes. André Leroi-Gourhan pense qu'il
faut voir là des conventions stylistiques alors que Jean-Pierre Duhard
y voit la représentation d'états physiologiques féminins se rapportant
à la grossesse. Dans tous les cas, qu'elles soient réalistes ou très
stylisées, elles symbolisent la reproduction. Ces figurations avaient
très probablement un rôle à tenir dans la survie de l'humanité
Entre 20 000 et 15
000 ans avant notre ère...
Pendant les cinq millénaires de la culture solutréenne,
l'art tient une part moins grande dans la vie des hommes. La "mode"
est aux grands bas-reliefs sculptés d'où est exclue toute représentation
de la femme.
Entre 15 000 et 10
000 ans avant notre ère...
Pendant les dernières poussées de la glaciation würmienne,
l'art paléolithique des civilisations magdaléniennes atteint son apogée
avec la remarquable décoration des objets utilitaires et l'explosion
de l'art pariétal des grottes "sanctuaires" : art des profondeurs
et de l'obscurité, phénomène culturel unique, sans équivalent, ni avant,
ni après... Cette phase voit de nouveau le développement de civilisations
à figurations féminines avec une grande variété dans le style, tour
à tour réaliste, caricatural ou schématique, et dans la technique :
ronde-bosse, bas-relief, gravure, peinture pariétale. L'expression stylisée
des figurines féminines atteint son maximum à la fin du Magdalénien
et touche simultanément toute l'Europe, d'Ouest en Est, jusqu'en Sibérie.
Il semble qu'il n'y ait pas toujours eu diffusion des idées, mais convergence,
évolution similaire dans des régions éloignées, sous l'influence de
conditions, de circonstances et de besoins sociaux analogues.
Autour de 10 000 ans
avant notre ère ...
Avec le réchauffement du climat, le retrait des glaciers
transforme le paysage et libère des espaces nouveaux que les hommes
colonisent et, tandis que la grande faune des steppes suit la ligne
de retrait des glaciers, la faune forestière s'installe. Plus difficile
à capturer, elle pousse les hommes à transformer leurs techniques de
chasse et leur mode de vie.
Ils vont exploiter plus intensivement les ressources
végétales ; la récolte de graines et de fruits prend une part de plus
en plus importante dans économie. Ils cherchent à se regrouper des régions
limitées ; dans ces sortes de métropoles la démographie augmente, l'organisation
sociale et la gestion de l'économie locale (chasse, cueillette...) sont
plus élaborées.
Entre 10 000 et 6 000
ans avant notre ère...
En Europe, après le brillant épanouissement artistique
du Paléolithique supérieur, la pauvreté de l'art des civilisations mésolithiques
paraît encore plus frappante, les représentations féminines n'y présentent
aucune homogénéité et sont très rares : figurine de Nab Head St-Bride's
au Pays de Galles, gravure sur galet de Geldrop au Pays-Bas, figurine
sculptée sur bois de cerf de Riparo Gaban en ltalie du nord. Mais au
Proche Orient, dans les régions du Croissant fertile, la situation est
très différente. Grâce à la richesse et à l'abondance des ressources
naturelles (prolifération des céréales et des légumineuses sauvages,
gibier varié) les hommes ont le temps de reprendre des activités artistiques.
Avec la sédentarisation, et avant même qu'il n'y ait élevage agriculture
ou poterie (PPN= Néolithique pré-céramique), apparaît un art "religieux"
ou l'image de la femme, déesse de la fertilité, est prépondérante bien
qu'associée parfois à celle d'animaux tels que le taureau ou le lion.
Les premières villes du monde apparaissent : Catal Hùyùk (Turquie),
Jéricho et Mallaha (lsraêl), Mureybet (Syrie).
De 6 000 ans avant
notre ère I'Age du bronze
Deux mondes néolithiques, très différents, semblent
s'opposer : d'un côté, l'Europe, très pauvre en représentations féminines,
et de l'autre le Monde égéen, les Balkans, le Proche et le Moyen Orient
où elles foisonnent. En Europe occidentale, c'est seulement lorsque
les techniques néolithiques d'élevage et d'agriculture sont bien implantées
et qu'elles assurent aux sociétés rurales une certaine aisance, un certain
loisir, que réapparaissent les indices de préoccupations artistiques
avec des représentations féminines. A la charnière des lV et III ème
millénaires avant notre ère, l'art des civilisations chasséennes s'exprime
dans le Bassin Parisien, le Massif Central et le Midi sous forme de
statuettes féminines où l'abstraction tend à réduire les éléments du
corps, les jambes et les bras étant marqués par des appendices et les
têtes ne présentant pas de visage ; quelques exceptions sont réalistes,
avec des membres mieux proportionnés et assez bien modelés. Sur la façade
Atlantique, se multiplient les idoles de l'art mégalithique, très schématiques,
ayant indéniablement une valeur religieuse liée à la mort. Dans les
Balkans, le monde égéen et le Proche Orient sont fabriquées, par centaines,
des figurines féminines modelées dans l'argile ou sculptées dans des
roches locales. Ces traditions perdureront jusqu'à l'Age du bronze où
les femmes ne seront plus seules vénérées ; elles cèderont peu à peu
la place aux hommes qu'une nouvelle forme d'agriculture (utilisation
de l'araire et de l'attelage) et la métallurgie parent d'une nouvelle
aura.

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